GRACCHUS BABEUF L’ÉGALITÉ OU LA MORT

[Révolution française] Extraits du Livre de Thierry Guilabert (Libertaires 2011)

GRACCHUS BABEUF (1760-1797) L’ÉGALITÉ OU LA MORT Thierry Guilabert – Editions Libertaires (2011)

gracchus_babeufExtrait: « Mais Babeuf a-t-il bien lu Rousseau, s’est il véritablement penché sur les pages du livre V du Traité de l’Education, consacré à Sophie, la future compagne d’Emile, et par la même à l’éducation des femmes? Pour Rousseau, si la nature n’a pas façonné les deux sexes à l’identique, une même éducation ne saurait convenir. Autant celle d’Emile semble révolutionnaire par son contenu, autant celle de Sophie paraît classique et dans l’usage de l’époque. Rousseau inscrit l’éducation féminine dans une sorte de raison pratique, éducation donnée par la mère ne remettant pas en cause l’ordre établi et les contraintes sociales (…) Si l’Emile restait le modèle, Babeuf ne se priva pas de l’arranger à sa sauce. Son idéologie égalitariste supportait mal la soumission des femmes à la puissance et la force prétendument masculine. »

Extrait: « Babeuf arrive à Paris le 17 juillet 1789, il a laissé femme et enfants à Roye, dans la situation que l’on sait. Il estime la durée de son séjour à trois semaines. Il va durer trois mois. Il y eut plusieurs révolutions durant l’été, certaines presque simultanées mais assez distinctes pour avoir des causes différentes et des espérances dissemblables. Ainsi, la révolution paysanne, qui atteignit Roye, n’était elle pas précisément la révolution parisienne, et il y avait loin entre les attendus des cahiers de doléances et la traduction qu’en firent les députés du Tiers, rejoint par une partie du Clergé et de la Noblesse. Tiers essentiellement bourgeois, souvent cultivé, ayant une autre vision de la France qu’un paysan du bas Poitou saisi par la grande peur des mendiants et des ladres. »

Gracchus_Babeuf1Extrait: « Il ne se contente pas de dénoncer, il propose un recensement des indigents, et le paiement à chacun de 5 sous par jour afin de proscrire la mendicité et ses ravages. Le laboureur ne serait plus continuellement inquiet de ces bandes qui s’en prennent à ses cultures, qui sont des hommes comme lui et non des bêtes que l’on chasse. »

Extrait: « Babeuf, à la suite de Marat, s’apercevait que la Révolution avait pris une méchante tournure. Il était loin le temps de la fraternité, les embrassades au soir du 14 juillet ou de la nuit du 4 août, quand on avait soi-disant aboli les privilèges et la féodalité. Le peuple des cahiers de doléances, des émeutes, des campagnes, bras armé de la révolte, se voyait voler sa révolution au profit d’aristocrates nouveaux et anciens. Depuis, un gouffre se creusait entre le peuple et l’Assemblée Nationale. »

Gracchus_Babeuf2Extrait: « Au mois d’août, les premières prémices de la Terreur, le décret qui stipule la destruction de la Vendée, le début du siège de Lyon. Au mois de septembre, le maximum général est voté, mais cela ne suffit plus, la foule veut du pain et veut savoir pourquoi et à cause de qui elle en manque. Elle envahit la convention le 5. Le peuple installe la dictature jacobine et demande la punition des Girondins. La terreur est à l’ordre du jour. Gracchus écrit: Paris tout entier est aujourd’hui opprimé; des agents du gouvernement violent les droits du peuple; c’est donc le cas de l’insurrection, qui est pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des devoirs.« 

Extrait: « Le 7 février, Babeuf est finalement arrêté pour « provocation à la rébellion, au meurtre et à la dissolution de la représentation nationale« . On informe la commission qu’un nommé Babeuf violateur des lois et faussaire jusque sous le nom de Gracchus, qu’il usurpe, est arrêté; il est maintenant dans l’impuissance d’appeler les citoyens à la révolte, comme il ne cessait de le faire depuis un mois.« 

Gracchus_Babeuf3Extrait: « L’égalité de fait n’est pas une chimère et la limitation du droit de propriété qu’il appelle de ses vœux, il en trouve les échos aussi bien dans le discours d’un conventionnel, Armand de la Meuse, que chez Antonelle, le futur conjuré qui dans son livre, Observations sur le droit de cité, écrit: La nature n’a pas fait plus de propriétaires que de nobles; elle n’a fait que des êtres dépourvus, égaux en besoins comme en droits…« 

Extrait: « Le 24 février, le discours de l’accusateur Veillart va sortir le débat de sa léthargie procédurière. Veillart attaque sur le terrain politique, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas en manque de formules pour accabler les accusés: Fils de l’anarchie, nés dans son sein, élevés dans ses bras, leur instinct ne connaît pas d’autre élément. Ils l’appellent sans cesse, ils ne sourient qu’à elle. L’ordre, l’ordre, vœu et besoin de tous les êtres sensibles, est, pour ceux ci, un tourment. Ils frémissent à son aspect; ils rugissent de joie quand la tempête approche, et ils se précipitent au milieu des désordres publics avec le cri d’un féroce plaisir. La nuit affreuse qui a couvert la France de carnage, à l’épouvantable époque de la terreur, est l’objet continuel de tous leurs regrets. Il devient lyrique en dressant le terrible portrait d’une bande d’assassins: Rien ne peut ni ramener, ni apaiser, ni calmer ces hommes cruels. Prêts à tous les excès, engagés la plupart à en commettre par ceux même qu’ils ont déjà commis, le sang du crime bouillonne, pour ainsi dire, dans leurs veines; et le plus effroyable caractère de leur perversité, c’est qu’ils ont unanimement érigé en principe le pillage, le brigandage, l’assassinat. Leur premier dogme est le bouleversement de la société, qu’ils appelent égalité, loi agraire… Voilà la terrible menace, la terrible conspiration, celle qui incendie les principes de la république bourgeoise pour lui substituer la république égalitaire.

Gracchus Babeuf (1760-1797) Thierry Guilabert – Editions Libertaires (2011)