INVASION ZOMBIE

Antonio Dominguez Leiva

[Pop Culture - Zombie - Critique Sociale]

Il est peu d’images aussi marquantes, dans le cadre de l’esthétique contemporaine de l'extrême, que la surenchère transmédiatique et véritablement planétaire des morts vivants. Après une décennie (1985-1995) qui avait connue la "fin du zombie" dans le média qui lui avait jusque-là été le plus propice - le cinéma -, la créature, fidèle à elle-même, renaît de plus belle au tournant du nouveau millénaire, envahissant les plus divers recoins de l’iconosphère globale. Aux lendemains du traumatisme du 11 septembre 2001 et à l’ombre de la pandémie du SRAS, une véritable "zombie-manie" s'est déclarée, allant des jeux vidéos déjà mythiques tels que Resident Evil jusqu´à la zombification des grands écrans ou l'émergence d´une curieuse littérature zombie et d'une déferlante de comic books zombies sans précédents qui contamine le grand média postmoderne, la télévision. Enfin on assiste aussi à une pléthore d’études critiques sur cette figure jusque-là relativement dédaignée par l’institution universitaire.

La poétique du zombie synthétise quantité d'angoisses contemporaines, telles que la ville en ruines et l’anomie sociale, en proie aux dérèglements de l’"homme-masse" associé au topos fin-de-siècle des "nouveaux barbares" et la régression à la sauvagerie ; la pandémie et le motif de la rage associée au cannibalisme des morts ; le triomphe de l’iconographie du cadavre galvanisé ; la surenchère dans le détail gore, à la lisière de l’humour ; la paranoïa envers les appareils idéologiques d’État et notamment les pouvoirs médicaux et militaires ; le sous-texte religieux d’un Jugement dernier sans rédemption ; enfin, la politique du mauvais goût qui fait des zombies les emblèmes d’une anti-esthétique contre-culturelle. Ce sont ces mythèmes et ces motifs que nous allons tenter d’analyser dans ce petit ouvrage, défense et illustration de notre zombietude.

Le Murmure (2013) 62 p. 11 x 17 cm