PRESSE PARALLELE: LA CONTRE-CULTURE EN FRANCE ANNEES 70

[Alternative] Extraits du Livre de Steven Jezo Vannier (LeMotetLeReste 2011)

PRESSE PARALLELE: LA CONTRE CULTURE EN FRANCE DANS LES ANNEES 70 – Steven Jezo-Vannier (Le Mot et le Reste 2011)

presse-paralleleExtrait: « Une série de rencontre précipite la formation du journal Libération: celle de deux hommes, Jean Claude Vernier et Jean René Huleu; celle de deux horizons, le maoïsme et l’underground; et celle de trois journaux, le contre-culturel Géranonymo, le traditionnel Paris Jour disparu et le bulletin de l’APL. Ces réunions débouchent sur la création de l’éphémère Pirate dont la ligne éditoriale se résume à la volonté d’ancrer le journalisme dans la réalité et la vérité au coeur de l’évènement et de l’information: nouvelle expression de ce souci de vérité, de liberté et d’unité avec le peuple. Alors qu’éclate l’affaire de Bruay-en-Artois, perçue comme un focus judiciaire de la lutte des classes par les anciens de la GP, les réflexions vont bon train dans le réseau mao-APL-Pirate. Dans les locaux de Géranonymo, un nouveau journalisme s’invente, Libération prend forme tandis que La Cause du peuple – J’accuse agonise. »

Extrait: « La véritable transition entre la « révolution culturelle » des maoïstes et la contre-culture passe par l’intermédiaire du groupe Vive la révolution (VLR), dont le ton volontairement enthousiaste et festif rompt avec la rigidité et le dogmatisme des gauchismes traditionnels. Son journal, Tout!, témoigne au fil des numéros de l’évolution du groupe. Il opère un passage de témoin entre les révolutionnaires de la lutte des classes de Mai 68 et ceux qui s’engagent, dès 1970, dans la lutte des générations. Tout! accompagne les changements qui s’amorcent lentement au sein de l’underground révolutionnaire et dans les mentalités d’une jeunesse de plus en plus en position de rupture avec les anciennes générations. »

Extrait: « Les fanzines, contraction de « fan magazine », comptent parmi les périodiques, les plus divers et nombreux: La Bulle du Pape, Le Citron hallucinogène, Energie, L’Envoyé des dieux, L’Hygiénique, Ile sonnante, Soi-même… ne sont que quelques noms parmi des centaines. Ils sont réalisés par des amateurs avec les moyens disponibles, tapés à la main ou même écrits à la plume pour les plus rudimentaires, édités sur Ronéo Gestetner ou en Offset pour les plus organisés. Artisanaux, ils sont également clandestins, l’essentiel d’entre eux ne possédant aucun dépôt légal et demeurant, par conséquent, totalement inconnus des autorités.(…) Par leur fabrication autant que par leur diffusion, les fanzines échappent à tout contrôle, aussi bien à la censure étatique qu’à celle des distributeurs et vendeurs. »

Extrait: « Par delà toutes ces divergences, certains acteurs du mouvement tentent de tisser des liens entre les communautés, de rassembler les communards au sein d’un réseau commun permettant d’établir un système d’entraide et d’information.La presse apparaît naturellement comme l’outil incontournable de cette tentative. Plusieurs titres voient ainsi le jour: Le Bulletin de Gourgas, La Gazette communautaire et le Courrier communautaire en 1972, Hyperutopie et Infarctus en 1973, Horla en 1974. Mais ces derniers ne publient que trop peu de numéros, et leur diffusion reste bien trop locale pour prétendre à une quelconque réunion des expériences communautaires. Un journal perce et parvient à faire entendre sa voix: C (pour Communautés). »

Extrait: « Certes participatif, le journal n’en est pas moins « contrôlé » par le MLF qui, on le constate dans le bilan du numéro 3, pèse dans le choix des articles et l’orientation politique, générant une certaine autocensure au sein de l’équipe rédactionnelle. Rapidement, les articles du Torchon n’hésitent plus à critiquer le MLF, accusé de centraliser et de résumer à lui seul un mouvement d’ensemble. Dans le deuxième numéro, un article intitulé « Le MLF contre le Mouvement de libération des femmes » expose le phénomène de « dégénérescence » qui touche l’organisation: le mouvement ne doit pas se limiter aux structures du MLF, de la même manière que la révolution des femmes doit être conduite par la gent féminine dans son ensemble et non par une poignée de représentantes. Cherchant à se délivrer de l’emprise du MLF, Le Torchon multiplie les appels à la participation, il veut être le journal du mouvement des femmes et non celui des femmes du Mouvement. »

Extrait: « En juin 1972, le FHAR accouche de son journal dont le titre provocateur n’est pas sans rappeler la génèse du mouvement: le Fléau Social. Comme à son habitude le FHAR se joue de la carricature: il place sur la couverture du premier numéro, un dessin de Robert Crumb figurant le visage haletant d’un homme en état de manque et s’écriant « Sex ». Le mensuel est réalisé par le Groupe 5 qui lui donne sa liberté de ton et son engagement libertaire. Le Fléau condamne l’enfermement idéologique des luttes, il rejette ce gauchisme qui a refusé leur main tendue, et qu’il considère comme une forme de combat dépassé et limité. »

Extrait: « L’ouverture aux autres domaines de la contre-culture et le décloisonnement des genres s’affirment de numéro en numéro. Le Pop est le titre le plus représentatif de la free press française: artisanal, mais distribué honorablement, il est le fruit d’une communauté qui pratique la politique du Do it yourself, tant vantée par les Yippies américains. Ses pages se colorent et traitent de toutes les thématiques de la contre-culture, devançant souvent le géant Actuel dans le traitement des sujets: écologie, homosexualité, libération des femmes, racisme… Son ton est celui du grand frère Hara-Kiri, la dérision et l’ironie s’y établissent avec aisance. »

Extrait: « Sise nonchalemment sur les lauriers de cette popularité, l’équipe s’amuse du portrait que ses opposants font d’elle: avec un premier degré aux limites de l’inconsciente sottise, on se dispute pour savoir si Hara-Kiri est un journal plus bête que méchant ou l’inverse. Sa liberté de parole et son outrageuse façon d’en user agacent. (…) Dans les pages de Hara-Kiri, on rit du malheur pour mieux le ridiculiser; on stigmatise la médiocrité et l’abrutissement généralisé auxquels se soumet une majorité crédule et trop lâche pour combattre les puissants; on célèbre les dialogues de comptoirs, derniers refuges de la contestation française où le regretté Coluche puise également. Hara-Kiri rit de tout, c’est en cela que réside sa liberté. Il manie la dérision totale et rejette tous les tabous. »